Qu’est-ce que l’Inbetweening ?

L’Inbetweening : L’Art Subtil de Donner Vie à l’Animation

L’animation est un art fascinant qui repose sur la maîtrise du mouvement pour insuffler la vie à des dessins, des personnages ou même des objets. Parmi les nombreuses étapes qui composent ce processus, l’inbetweening — parfois appelé « intercalation » en français — joue un rôle central. Cette étape peut sembler discrète comparée à la création des keyframes ou à la direction artistique globale, mais elle représente le ciment essentiel qui permet à une animation de devenir fluide, cohérente et expressive.

Pourquoi l’Inbetweening Est Indispensable à la Fluidité du Mouvement

Sans l’inbetweening, aucune animation ne pourrait transmettre une impression réaliste du mouvement : les personnages seraient brusques, mécaniques, et leur gestuelle manquerait totalement d’harmonie.

Dans cet article, nous allons plonger en profondeur dans cet art subtil : comprendre ce qu’est l’inbetweening, analyser son importance, explorer ses méthodes, retracer son histoire et découvrir comment il évolue dans un monde de plus en plus numérique.

Comprendre l’Inbetweening : Une Définition Essentielle

Qu’est-ce que l’Inbetweening ?

L’inbetweening désigne le processus de création des images intermédiaires entre deux poses clés (keyframes). Les keyframes représentent les moments déterminants d’un mouvement : un personnage qui saute, une porte qui s’ouvre, un visage qui exprime une émotion.

L’inbetweener — l’artiste chargé de l’intercalation — va ensuite dessiner toutes les étapes intermédiaires pour que la transition entre ces poses devienne fluide et naturelle.

Imaginons un personnage qui agite la main. Les animateurs principaux définissent les poses extrêmes : la main en bas et la main en haut. Sans les images intermédiaires, l’action ressemblerait à un simple « téléportage ». Grâce aux inbetweens, on perçoit véritablement le mouvement.

Une Métaphore pour Mieux Visualiser

L’inbetweening peut être comparé à un flipbook (ou folioscope). Si vous ne dessinez que les poses clés sur quelques pages, le mouvement sera saccadé. Mais en ajoutant des pages intermédiaires pour combler le vide, la magie opère : l’illusion du mouvement prend forme sous vos yeux.

Sans ces images intermédiaires, l’animation ne fonctionne tout simplement pas.


L’Histoire de l’Inbetweening : Des Débuts du Cinéma d’Animation au Numérique

Les Premiers Temps : L’Animation Traditionnelle

Aux débuts du XXᵉ siècle, l’animation était intégralement réalisée à la main. Les studios pionniers, comme ceux de Walt Disney, Max Fleischer ou Warner Bros., ont développé la méthode du travail en équipe :

  • les animateurs principaux créaient les keyframes,

  • les assistants affinaient certains détails,

  • les inbetweeners réalisaient les images intermédiaires.

Cette structure permettait d’assurer une cohérence dans les mouvements, tout en produisant des centaines de dessins par jour. C’était un travail titanesque : une seule seconde de film requiert 12 à 24 dessins.

L’Évolution Numérique et l’Automatisation

Avec l’arrivée des logiciels d’animation comme Toon Boom Harmony, TVPaint, Adobe Animate ou encore les moteurs 3D tels que Maya et Blender, le processus a radicalement changé.

Les programmes sont aujourd’hui capables de générer automatiquement les images intermédiaires grâce à l’interpolation numérique. Le logiciel calcule les positions intermédiaires entre deux keyframes, ce qui accélère considérablement la production.

Cependant, cette automatisation a ses limites :

  • elle peut produire des mouvements trop mécaniques,

  • elle ne comprend pas les intentions artistiques,

  • elle échoue parfois sur des gestes complexes ou stylisés.

C’est pourquoi l’humain reste indispensable pour retoucher, corriger, réinterpréter et donner du caractère aux mouvements.

Le Processus de l’Inbetweening : Une Étape Technique et Artistique

1. Création des Keyframes

Tout commence par les poses les plus importantes du mouvement. Elles définissent :

  • l’attitude,

  • l’émotion,

  • l’énergie,

  • la direction du geste.

Une bonne animation repose souvent sur des keyframes clairement posées.

2. Analyse du Mouvement

L’inbetweener étudie ensuite le mouvement :

  • Quelle est la vitesse ?

  • Où se situe l’anticipation ?

  • Y a-t-il une accélération, un ralentissement ?

  • Quelle est la logique physique de l’action ?

Cette analyse permet de respecter le timing et le spacing, deux éléments fondamentaux pour rendre un mouvement crédible.

3. Création des Breakdowns

Les breakdowns sont des images clés intermédiaires situées à des points stratégiques du mouvement. Elles permettent de donner une direction ou une intention précise.

Par exemple, dans un mouvement de bras, le breakdown peut montrer le coude légèrement levé, indiquant la trajectoire.

4. Dessin des Intervalles Restants

Une fois les breakdowns posés, l’artiste remplit les espaces restants. Selon la fluidité recherchée, le nombre d’inbetweens peut varier :

  • plus il y en a, plus le mouvement semble lent et doux,

  • moins il y en a, plus le mouvement paraît rapide ou saccadé.

5. Révision et Affinage

C’est une phase souvent longue :

  • retouches,

  • harmonisation,

  • corrections des proportions,

  • ajustements du rythme.

Même un bon inbetweening nécessite des aller-retours pour atteindre la perfection recherchée.

Les Compétences d’un Bon Inbetweener

Un Sens Aiguisé de l’Observation

L’inbetweener doit comprendre les nuances du mouvement : un simple décalage dans un doigt ou une courbe de bras peut tout déséquilibrer.

La Maîtrise du Timing et du Spacing

Ce sont les bases absolues.

  • Le timing : combien de dessins pour représenter une action ?

  • Le spacing : comment les dessiner pour exprimer vitesse, poids, énergie ?

Ces deux notions permettent de transmettre émotion et intention.

Précision, Patience, Rigueur

L’intercalation est un travail méticuleux. Chaque image compte, et chacune doit respecter la cohérence des keyframes.

Culture du Mouvement

Un bon inbetweener étudie :

  • la marche,

  • la course,

  • la gestuelle humaine,

  • les déformations,

  • la physique du corps.

C’est un véritable travail de chorégraphe.

Les Défis Modernes de l’Inbetweening

Automatisation : Opportunité ou Menace ?

L’interpolation automatique est un gain de temps important, mais elle pose question :

  • risque d’uniformisation artistique,

  • perte de la « patte » humaine,

  • mouvements parfois artificiels.

La solution ? Un équilibre entre technologie et expertise humaine.

Complexité Croissante des Projets

Aujourd’hui, l’animation ne se limite plus aux films et séries. On la retrouve dans :

  • la publicité,

  • les jeux vidéo,

  • la réalité virtuelle,

  • les interfaces interactives,

  • les réseaux sociaux.

Les exigences augmentent, et les inbetweeners doivent s’adapter à des styles variés et parfois très complexes.

Formation des Nouvelles Générations

Les écoles doivent enseigner :

  • le dessin traditionnel,

  • les principes fondamentaux,

  • les outils numériques,

  • la 3D,

  • le motion design.

Un inbetweener moderne doit être polyvalent et à l’aise dans différents environnements.

L’Inbetweening dans Divers Secteurs

Cinéma d’Animation

Les studios comme Disney, Pixar, DreamWorks ou Ghibli produisent des animations où chaque mouvement est minutieusement travaillé.

Jeux Vidéo

L’inbetweening est essentiel pour :

  • les animations de personnages,

  • les combats,

  • les cinématiques,

  • les interfaces interactives.

Motion Design et Publicité

De courtes animations dynamiques reposent fortement sur l’intercalation.

Réalité Virtuelle et Augmentée

Les mouvements doivent être encore plus naturels pour éviter le malaise des utilisateurs. C’est l’un des domaines les plus exigeants aujourd’hui.

Conclusion : L’Inbetweening, le Cœur du Mouvement

L’inbetweening n’est pas une simple étape technique : c’est un art subtil, profondément lié à l’émotion, à la narration et au rythme.

Même avec les avancées technologiques, rien ne peut remplacer la sensibilité d’un artiste capable d’observer, comprendre et retranscrire la vie en mouvement.

Sans inbetweeners, les animations seraient mécaniques et dépourvues d’âme. Grâce à eux, les univers s’animent, les histoires prennent vie et les spectateurs sont transportés dans un monde vibrant, fluide et expressif.

L’inbetweening restera toujours une discipline essentielle, un savoir-faire précieux au cœur de la magie de l’animation.

Merci pour votre lecture.

FABY